poemas de problemas

prélude

Juillet 2022.

Rouge, rouge colère. Celle envahissant l’encéphale, y foutant son bordel, nerfs bouillonnants à travers les veines.
Regard fixant la scène étalée devant ses yeux, évidence trop longtemps niée: putain de mari, et sa pétasse de maitresse, draps les dissimulant à peine. Dégoût, horreur, haut-le-coeur. Incapable d’entendre leurs paroles dénuées de sens, explications bidons, le peu de mots perçus ne fait qu’accentuer la rage sourde.
Quel con, connard, enculé.
Violence en seule réponse, poings s’abattant aussitôt sur lui, sans lui laisser le moindre répit.
Violence aveugle, inarrêtable. Destructrice.
Et l'autre cruche crie, supplie, tente d'intervenir: en vain. "Ta gueule putain, ferme ta gueule !"
Impulsivité ne trouvant de répit qu'aux phalanges tâchées de sang. Sous lui, le mari au corps inconscient, sérieusement abîmé. Est-ce qu'il respire ?
Jusqu'aux sirènes de police retentissant à l'extérieur, porte d'entrée défoncée au passage.
Qu'as-tu fait, qu'as-tu fait ?

enfance

Premier enfant d’un mariage à l’allure bancale, où le bonheur chimérique dissimule les laideurs dont personne ne doit entrapercevoir les cicatrices. Comportement du géniteur en norme imposée, fardeau des Krasevec n’ayant connu qu’une seule et même méthode: celle de la violence. Aucune remise en question de l’adulte, prenant à cœur “l’éducation à la rude” de sa progéniture. Tu parles, d’une éducation. Mère passive, n’intervenant qu’à son départ, tout autant sous son emprise que celle de la peur.

Alors sans surprise, le gamin reproduit, se calque sur l’exemple reçu. Violence sur les camarades, bagarres devenant régulières, jusqu’à le faire virer d’une école. Et ça commence à soulever des questions, en dehors du cercle familial, le comportement du petit garçon. Mais il suffira de jouer un temps à la famille parfaite pour berner l’assistant social, et avoir la paix. Aussitôt plus surveillés, le cycle infernal reprend son cours, comme si de rien n’était.

Colère du gamin se mêlant à une crainte, sourde, que les prochains coups soient ceux de trop. Que les cris de mama s’arrêtent soudainement, le laissant seul avec le géniteur. Crainte décuplée à la naissance de ses sœurs, Andrea et Veronica: il a seulement sept ans, mais il comprend bien assez rapidement qu’elles n’ont que lui. Et inversement. Alors il s’interpose face à l'adulte, subit les coups supplémentaires, sans broncher. Tout pour les protéger, peu importe ce qui pourrait lui arriver.

enregistrement n°11 - 27/09/2013

[...]
- Que s'est-il passé ce soir là ? Peux-tu me raconter le déroulé des événements ?
- J'rentrais à la maison, après avoir récupéré Veronica chez sa meilleure amie. Notre mère était encore au travail. Quand on est rentrés, j'ai entendu des cris étouffés et un bruit d'eau, vers la salle de bain. Et j'y suis directement allé.
- Qu'as-tu vu, à ce moment-là ?
- J'sais plus exactement. Je me souviens juste de sa main maintenant la tête d'Andrea sous l'eau . Qu'elle se noyait. J'ai pas réfléchi plus longtemps, et... j'l'ai frappé, jusqu'à ce qu'il la lâche.
- Était ce déjà arrivé avant ?
- Pas avec mes sœurs. Jamais.
- Et avec toi ?
- Oui.
[...]

fin du cauchemar ou pas

Souvenirs gravés dans la mémoire, n'apparaissant qu'à travers un défilement d'images successives, hachurées. S'ils n'étaient pas rentrés à temps, lui et sa sœur, que ce serait-il passé ? Difficile de faire taire les suppositions horrifiques, même lorsque la réalité l'est tout autant.

Il faut croire qu'il aura fallu ça, une horreur pareille, pour réveiller leur mère. Divorce au beau milieu du procès du géniteur, ce dernier envoyé derrière les barreaux pour dix ans. Plus aucun droit parental. L'ensemble semble idéal, tout droit sorti d'une série télé au happy ending évident, mais ce serait ne rien connaitre à la réalité. La vraie vie.

L'adolescent, à la veille de sa majorité, en ressort fracassé. Instabilité en norme, ne laissant qu'une possibilité de construction personnelle instable, partielle. Entre la colère corrosive et la tristesse le plombant, les émotions se muent en grenades prêtent à exploser à tout moment, nullement maîtrisés. Trainé chez un psy, les semaines s'accumulent avant qu'un diagnostique soit posé, enfin. C-PTSD en lettres grasses gravées sur un papier.

Un fucking cadeau empoisonné pour tes 18 piges,  Gaby.
Joyeux anniversaire.

bf, husband, asshole

Chemins croisés sur les bancs de l’université, à l’aube de leur première année d’études. L’étrange alchimie entre eux les rapproche, les lie, sans pouvoir calquer d’étiquettes précises sur cette relation partagée. Faut croire qu’il y a une sorte de fatalité les poussant l’un vers l’autre, moments simples passés ensembles se muant en entrelacements entourés de draps. Première réelle relation de Gabriel, première fois qu’il tombe aussi fort pour quelqu’un, aussi. Difficile pour lui d’accorder sa confiance, mais avec Levi, cela sonne comme une évidence.

Mariage sur un coup de tête, irréfléchi au possible, quatre années après seulement. Il aura suffit d’un voyage à l’improviste à Las Vegas, quelques verres d’alcool et une chapelle devant laquelle ils étaient passés plusieurs fois, pour qu’ils se retrouvent à être conjoints, désormais plus de simples amants ou copains. Fierté de le voir porter son nom, Levi Reyes. Bonbon passion annihilant le pragmatisme évident, celle dont le mariage bat déjà de l’aile, couplé aux aventures dissimulées du mari tant aimé.

Colère explosive, à la soudaine découverte des tromperies, chimère d’une loyauté sans faille. Pas sûr que Levi veuille lui reparler, pas après lui avoir fracassé le visage. D’autant plus depuis son arrestation, puis la peine prononcée ne pourrait être d’autant plus annonciatrice d’une relation perdue, naufragée.

Amour-haine du cocu envers le casanova.

prison

Angola, Louisiane.

Si l’enfer devait porter un autre nom, sans doute devrait-il s’appeler Angola. Rares étaient ceux y atterrissant pour de courtes peines, mais il faut croire que l’accès de violence employé a été une raison suffisante pour l’y envoyer. Y est clamé le taux amoindri de violence quelles qu’elles soient, mais la réalité est tout autre, dans l’environnement carcéral ne faisant définitivement pas de cadeaux.

Qu’importe la combativité, les capacités de violence. Coup fort pour empêcher toute forme de résistance, l’inconscient se charge de dissimuler les souvenirs à la mémoire, travail sournois pour mieux protéger le mental déjà trop fragilisée. Et pourtant, la sensation du derme souillé par les épidermes étrangères est présente, ancrée dans la chair.

Si la prison devait le remettre dans le droit chemin, ou te réparer un minimum, autant dire que l’échec est cuisant.

broken souls

S'il est parmi eux, à assister aux réunions, ce n’est pas vraiment volontairement. Suivi et aide imposés pour mieux s’assurer que la colère et les débordements émotionnels soient mieux gérés, couplés au C-PSTD trimballé ça et là depuis l’enfance. Mais il n’écoute plus qu’il ne parle là-bas, Gabriel, plus simple de servir d’auditeur que de se mettre à raconter sa vie, ses faiblesses, à un groupe d’inconnus. Il y a plus grave que ton cas si infime, non ? Mais l’habitude s’ancre, semaines après semaines, à force de s’y rendre: peut-être qu’il s’y fait, à tout ça, finalement.