sometimes i feel i was born backwards ☾ layla

{one} Layla n’a pas de souvenirs du moment où le diagnostique a été posé. Dysplasie des reins. Une malformation qui touche les deux organes, qui par conséquent va flinguer le reste de sa vie. Elle a grandi entre les murs blancs des hôpitaux, le bras gauche toujours harnaché à une machine pour filtrer ce que son corps est incapable de faire. L’anesthésie ne lui fait plus peur, il y a d’abord eu une biopsie, puis tout un tas de trucs que Layla a arrêté de compter. Par contre, ce qu’elle compte encore et toujours ce sont les cachets, la vie couleur petite pilule. Elle les prend par habitude, ne sait même plus si ça a encore un effet sur elle ou non. Ce qu’elle sait, ce qu’elle est sûre c’est qu’elle va rapidement besoin d’avoir une seconde greffe. Ce qu’elle sait aussi, c’est qu’elle n’a pas l’argent pour ni même de donneur dans sa famille pour le moment.

{two} Papa s’est barré quand elle était encore une gamine, sa mère ne lui a jamais vraiment dit pourquoi mais elle pense avoir compris que le diagnostique l’a fait fuir. C’est con, très con, il aurait pu être compatible. Il n’avait pas envie de se lancer dans cette folle aventure. Elle comprend, elle ne lui en veut presque pas. Presque pas il lui manque,  presque pas elle a envie de lui cracher sa haine à la gueule.

{three} C’est une scolarité en dent de scie, alternance entre l’école et l’hôpital, Layla a pris du retard avant de se dire que ça ne vaut pas le coup de s’acharner plus longtemps. Elle doit payer des factures, elle doit payer les frais médicaux et elle ne veut pas être un fardeau pour sa mère, pour ses proches. Et puis, il n’y a pas d’école pour l’art car aussi loin qu’elle se souvienne elle a toujours eu un crayon entre le mains. Les crayons de couleur et les coloriages dans les salles d’attente, les stylos du médecin quand sa mère parlait traitement et autre truc qu’elle ne pouvait pas encore comprendre. L’habitude l’a suivi et elle est devenu bonne en gribouillage, excellente même. A défaut de pouvoir pratiquer un véritable sport ou alors s’amuser comme les autres gamins de son âge, elle avait ça : le dessin.

{four} Il y a ce corps qu’elle méprise, qu’elle n’aime pas voir nu. Ce corps qui peine parfois à la faire avancer, trop maigre car la maladie l’empêche de stocker correctement. Cette peau toujours froide même quand l’été pointe le bout de son nez. Les cicatrices des opérations, les veines apparentes, les cernes bien marquées, bien visible qui l’horripilent. Alors Layla se cache derrière des vêtements trop grands trop amples, d’abord pour le côté pratique de la chose. Tâcher de garder sa température corporelle à un niveau acceptable. Puis le côté physique, esthétique, pour permettre de se cacher, en cachant ce qu’elle déteste elle pourra sans doute aimer autre chose.

{five} Layla a vite compris qu’elle était une bombe humaine. Elle voit la vie comme un compte à rebours, on a tous son nombre d’heure, de jour, de semaine, de mois, d’année. La différence avec les autres c’est que le compte à rebours de Layla est fluctuent. Le temps s’égrène de manière aléatoire, elle peut en garder comme en perdre, tout dépend de sa chance, sa compatibilité. Elle a compris qu’elle pouvait faire du dégâts avant même d’exploser. Elle l’a su en voyant son père partir, sa mère se plier en quatre et tous son entourage qui s’est mis à vivre à son rythme. Layla n’a pas envie d’être le fardeau de qui que ce soit, elle brûle d’indépendance, l’envie de se suffire à elle-même, ne pas créer de dégâts collatéraux quand elle explosera.

{six} Son humour a elle, un peu noir, un peu beaucoup décalé. Les blagues que personne ne comprend. Sa passion ringarde pour les pick up lines et son job de barista lui permettant de tout combiner. Elle connaît cette légende sur les prénoms volontairement mal orthographié. « Your name is Jack… well now you are Jok. ». Layla ne voulait pas être cette personne, elle ne voulait pas voir les gens prendre en photo leur gobelet jetable pour râler d’un prénom mal écrit. Elle a fait le choix de créer le malaise. Laisser en suspend son intérêt ou non pour son lecteur. Marqueur noir en main, lettres régulières, légèrement penchées. Ca a commencé par justement un prénom qu'elle avait oublié « Do you have a name, or can I just call you 'mine'? » Non, elle ne drague pas. Oui l’éthique professionnelle a foutu le camp mais ça la fait marrer. Les yeux ahurit, les sourires gênés et ceux qui la prennent un peu trop au sérieux, les autres qui la trouvent stupide. Les instants de malaise, les rires polis et enfin les habitués, ceux qui n’attendent que ça, avoir leur petite phrase du jour.
Mettre mal à l'aise, une véritable passion. Flirter juste pour rire, pour s'amuser car la vie est bien trop courte pour se prendre au sérieux. A se demander quand est-ce qu'elle sera enfin sérieuse.

{seven} Si sa vie se doit d’être courte alors elle veut en profiter un maximum. Elle ne loupe pas une occasion de sortir, accro à l’adrénaline, il lui en faut toujours plus sans vraiment prendre en considération le risque. Le risque c’est moi, ma vie et ce qui l’entoure. Elle est cette personne un brin chaotique, qui peut déranger mais pas méchante.

« Isn’t it  too much… laughing about death ? »
« Well… I don’t think dead people actually care ! »

{eight} Rendez-vous hebdomadaire, le groupe de parole que sa mère l’a fait rejoindre il y a plusieurs années. Elle y va principalement pour lui faire plaisir car ça lui écorcherait la gorge de dire que ça lui fait réellement du bien de parler, d’être entourée de personnes qui comprennent ce qu’elle peut traverser. Pouvoir dire ce qu’elle a sur le cœur bien qu’elle soit presque mutique à chaque réunion. Parfois, les messages d’espoir l’exaspère, ça fait bien longtemps qu’elle ne croit plus aux miracles, ou alors s’ils existent vraiment, elle est passée à côté.

{nine} elle se déplace principalement en skateboard – elle a dans son sac à dos toujours de quoi dessiner, il lui arrive d’ailleurs de dessiner sur les serviettes en papier dans les bars ou restaurant – lectrice avide, elle gobe une bonne quantité de roman à l’année. – Souvent habillée en noir – Petite consommatrice de café sous peine de voir son palpitant s’emballer. – toujours vierge.