dolores sur les pointillés

((i))Des grands yeux et des jolies boucles blondes. Lola, le regard espiègle et les bonnes notes. Lola aux milles activités, de la danse classique en passant par le piano et le violoncelle. Il fallait pas qu’elle s’ennuie Lola, surtout ne pas faire de bêtises Lola. Vivre pour les yeux de papa, pour lui, le rendre fier. La réussite qu’elle touchait des bouts des doigts. L’enfant prodige, la joie de la famille, la lumière étincelante des Pugh alors que papa trainait dans des trucs sombres. Le Red Velvet, l’asservissement des femmes mais ce qu’elle voyait Dolores quand elle allait là-bas avant que la nuit tombe c’était… leurs jolies chaussures et leur beauté. Qu’est-ce qu’elles étaient belle ces femmes, souvent trop jeune pour être là.

((ii)) Dolores a grandi sans l’amour d’une mère, a vu les conquêtes de son père se succéder, parfois -trop- jeunes et -pas assez- vieilles. Et puis… il y a eu Sandy et ses chiens, celle qui est restée un peu mais pas longtemps. Papa est exigent, papa est violent mais Lola pardonne, ferme les yeux et recréé le monde. S'imagine ailleurs le temps que l'ouragan passe, cache les bleus sous le maquillage et sourire, toujours sourire.

((iii)) « You’re so pretty ! » Assise sur les genoux d’hommes trop vieux, tu deviens Lolita. Souvent au club, toujours dans les pattes de papa exaspéré. Elle pouvait faire ce que bon lui semble, c’était toujours son physique qui était mis en avant. Son visage qu’on effleure et si elle prend l’air boudeuse on lui rappelle que ce n’est qu’un compliment, qu’elle devrait être contente qu’on lui dise qu’elle est belle. Soit belle et tais toi alors. Vit pour les yeux des hommes, de toute manière c’est déjà ce qu’elle fait. Tout pour les beaux yeux du père. Et pourtant Lolita fuit, court quand il est question de sentiment. Peur d’aimer, de ne pas savoir comment faire. Est-ce qu’on l’aimera vraiment quand elle ouvrira la bouche ? Ses histoires seront-elles intéressantes, suffisamment poignantes pour faire rester.

On s’en fou tu es belle.  T’as pas à parler, t’as juste à faire un signe de main et le monde se plie à tes pieds. Ne fronce pas les sourcils, ça donne des rides, pense à te maquiller, mais pas trop, fait comme si tu ne faisais pas d’effort Dolores ! Lève-toi tôt pour être magnifique, continue le sport mais ne soulève pas trop de poids. Un burger mais t’es sûre Dolly ? Pas une salade plutôt ? Soigne tes pieds, eux… ne sont pas beaux. Cache la cicatrice de ton genou, maquille-là. Voilà ! Sourit Dolores,
tu es belle
maintenant.

((iv)) La danse comme passion, tutu et chignon bien serré, les pointes qui font mal aux pieds. Mais qu’est-ce qu’elle respire quand elle danse, se transforme, vit enfin. Passion et talent, elle y passe des heures Dolores, sacrifie toutes ses vacances, toutes ses soirées, tout le fun de la jeunesse pour la danse. Elle compte les calories, à ça des troubles alimentaires parce qu’elle ne doit pas grossir pour continuer de tourner vite. Les pieds qui saignent, son corps entier qui morfle mais putain qu’est-ce qu’elle est belle quand elle danse. Et enfin… enfin ça brille quand papa la voit sur scène. Elle pense que c’est juste pour elle, juste parce qu’elle est bonne. Le sentiment d’accomplissement. Ca vaut le coup, tous ce qu’elle sacrifie son corps, ses pleurs, sa santé, oui… ça vaut le coup, pour papa et rien d’autre. New York pour briller encore plus fort, elle est à peine majeure mais on lui promet les grandes et belles salles alors elle signe tout de suite. Aller simple loin de la Nola, loin de papa. Mais il va venir hein… il va venir la voir sur scène, voir comme elle est belle sur scène. Puis son corps a lâché sur cette fameuse scène qu’elle aime tant. Devant tout le monde, le porté qui foire et c’est sa jambe gauche en plus de son cœur qui se broie. Fin du rêve. Retour à la Nola. Il faut trouvé un autre souhait et le regard de papa à jamais a changé.

((v)) Réapprendre à vivre, à marcher, à sourire mais Lola pleure tous les soirs. Toutes les larmes de son corps contre ce rêve qu’elle a perdu. Bonne à rien de Dolores, maintenant qu’elle ne peut plus danser comme avant, qu’elle ne peut plus monter sur ses pointes sans que l’affreuse douleur qui lui arrache la jambe. Elle a essayé. Encore et encore. Se disant qu’elle pouvait le faire, qu’elle n’avait pas si mal et elle a compris qu’elle ne retrouverait jamais son niveau. Elle pleure sans cesse, papa s’agace et un jour… Il lui propose le club, une paire de talons hauts qu’il dépose sur son lit, lui hurle d’aller se laver et d’essayer. C’est comme ça qu’elle fait naître le désir, parfois, souvent, elle a mal, serre les dents pour papa. La nuit, elle devient Dolly, sourire de façade collé aux lèvres, Dolly contre la barre, poupée de chiffon qui offre le réconfort à ses hommes trop vaniteux. Papa ne regarde plus, jamais dans sa direction. Papa la déteste c’est sûr. Elle est devenue une de ses jolies filles aux jolie chaussures. Dolly la nuit, pour les fantasmes, sous les projecteurs, pour quelques billets. Lola le jour, l’impression qu’elle porte le poids du monde sur ses épaules. Lola qui sort quand elle a fini de pleurer, Lola qui se cache pour souffrir. La danse… toujours la danse et quand elle est Dolly, quand elle ferme les yeux, elle se revoit à New York et sa peine devient moins grande.

((vi)) Elle aime les jolies choses, ce qui brille de préférences. Vêtements et sac de luxe, être à la pointe de a technologie. Un peu superficielle Dolores. Certes. Elle avait grandi en étant pourrie gâtée, dans l'opulence la plus totale. N'avait manqué de rien sauf d'amour. Papa compense par l'argent. Ce qu'elle demande, elle l'obtient. Il faut essayer de suivre son train de vie. N'aimerait pas juger un livre à sa couverture mais c'est si dur. Elle pourrait s'indigner si on ne l'invite pas au restaurant, s'excusera par la suite de son manque de considération. T'es si belle Dolly qu'on devrait t'offrir le monde. Ca trotte toujours dans sa tête, pense que la beauté fait tout et s'imagine dépérir dès qu'elle sera vieille. Boude quand un battement de cil ne fait pas céder à son caprice, culpabilisera d'avoir agi de cette manière et boudera davantage. Toutes les jolies choses sont pour toi Lola. Et le soir quand elle rentre seule, souvent elle pleure car tout est si vide de sens.

((vii)) La vie qui bascule pour Jim, le coeur qui s'accroche, qui s'entiche qui s'obsède, le rêve d'une vie à deux quand à son doigt c'est la fidélité à une autre qu'il porte. Enfin... elle croyait la vérité finit par exploser, Rafa par s'en aller et le pot aux roses découvert. Il ne reste plus qu'elle, la fuite du cabaret à grandes enjambés, ses bébés qu'elle porte et sa vie renversée.